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25 novembre 2008 2 25 /11 /novembre /2008 23:59

Charles Pasqua est un vieux baron du post-gaullisme. En fin de "service" bien qu’encore parlementaire, le voici décrivant avec précision une partie de ses souvenirs politiques.

 

Depuis quelques jours, une personnalité politique très célèbre se répand dans les médias, dans les radios… Son but, ce n’est pas de convaincre comme un candidat, mais de parler du nouveau tome de ses mémoires qui vient de sortir le 18 novembre 2008 et qui porte sur la période entre 1988 et 1995.

Charles Pasqua, sénateur de 81 ans, est aujourd’hui un vieux routier de la politique. Quelques casseroles, une voix de stentor à effrayer les enfants, un sourire charmeur et une observation très perspicace des mœurs politiques, aux premières loges.

Charles Pasqua connaît très bien Nicolas Sarkozy et aussi Jacques Chirac. Il a été l’un des parrains politiques aussi de quelques autres personnalités comme l’actuel Président du Sénat Gérard Larcher.

Parmi ses objectifs non atteints, la Présidence du Sénat (en octobre 1992) et Matignon (en mai 1995). Il reste néanmoins le souvenir d’un Ministre de l’Intérieur "à poigne" pendant plus de quatre ans (1986-1988 et 1993-1995), une réputation qu’a vite reprise un de ses bouillants successeurs, Nicolas Sarkozy.

Ceux qui se souviennent de la vie politique des années 1980 et 1990 (Chirac, Balladur, Mitterrand etc.) pourront apprendre quelques détails croustillants de la vie politique, et surtout, des relations entre les différentes acteurs. En voici quelques uns.


Relations Pasqua-Mitterrand

Pasqua semble avoir une certaine admiration pour Mitterrand, seul Président sous lequel il fut ministre : « François Mitterrand, qui avait une certaine estime pour moi, disait que j'étais un "bon républicain", comme si j'avais eu besoin d'un brevet présidentiel pour m'en convaincre! Les contacts, que mes activités ministérielles avaient rendus nécessaires, s'étaient bien passés. Je lui manifestais toujours le respect dû à sa fonction, mais il sentait bien que, au-delà de tout cela, je demeurais un adversaire résolu. J'éprouvais cependant pour lui de la considération; son intelligence, sa grande culture, ses connaissances de l'histoire politique étaient incontestables. Ses capacités manœuvrières me fascinaient, les miennes ne le laissaient pas indifférent... ».


Débat Mitterrand vs Chirac en 1995

En mai 1988, lors de la préparation du débat du second tour de l’élection présidentielle entre François Mitterrand et Jacques Chirac, Charles Pasqua avait conseillé à Chirac de lancer dans le débat un mot sur l’affaire Greenpeace qui aurait mis dans l’embarras Mitterrand. Finalement, Chirac a refusé sur conseil de Balladur (ne surtout pas polémiquer), ce qui ne l’avait pas aidé car Mitterrand n’avait pas hésité à sortir la grosse artillerie (sur un terroriste palestinien notamment). Pour Pasqua, ce serait la cause de l'échec de Chirac à cette élection.

Bien plus tard, Lionel Jospin ne dira pas que Jacques Chirac a respecté cette décence lorsqu’il a eu à affronter en pleine cohabitation une allocution de Chirac imposant au gouvernement Jospin l’interdiction des farines animales (en pleine crise de la vache folle), déclaration démagogique et navrante alors que Jospin préparait justement l’encadrement de cette interdiction depuis plusieurs semaines.

Au printemps 1988, la situation au RPR était claire : le présidentiable était Jacques Chirac, et il avait deux conseillers influents, Édouard Balladur et Charles Pasqua. En 1988, Balladur était donné premier ministrable dans le cas d’une élection de Chirac.

Pasqua et Balladur étaient deux conseillers opposés. L’un souverainiste adepte des "manières fortes" (« Nous avons les mêmes valeurs que le Front national » a choqué de nombreux électeurs de Chirac) et l’autre partisan de l’orthodoxie financière, tout en rondeur et en diplomatie, refusant l’attaque frontale.


Pasqua et Sarkozy futurs Premiers Ministres ?

Par une étrange évolution du destin, Balladur et Pasqua se retrouvèrent alliés pour "abattre" Chirac en 1995. Un peu comme Jean-Pierre Chevènement a été l’un des alliés les plus sûrs de Ségolène Royal dans sa campagne présidentielle de 2007.

La situation avait en effet complètement changé. Chirac ne recueillait qu’une petite dizaine de pourcents d’intentions de vote dans les sondages et Balladur était devenu un Premier Ministre de la cohabitation particulièrement populaire (comme Lionel Jospin, du reste). Sa "trahison" n’était plus un secret, il avait décidé de se présenter à l’élection présidentielle contre son mentor et "ami de trente ans" Jacques Chirac.

La plupart des ministres d’Édouard Balladur devenaient, par la force des choses, balladuriens, même des séguinistes comme François Fillon alors que Philippe Séguin (à l’époque au perchoir) était resté l’un des rares chiraquiens (avec Alain Juppé, Jean-Louis Debré, Alain Madelin, Charles Millon, Hervé de Charrette, Jean-Pierre Raffarin et Claude Goasguen).

Et parmi les plus balladuriens, Nicolas Sarkozy, pourtant au départ chiraquien fidèle et même responsable de son projet politique. Nicolas Sarkozy et François Bayrou, secrétaires généraux adjoints respectivement du RPR et de l’UDF, avaient en effet organisé les états généraux de l’opposition sur quelques grands thèmes nationaux entre 1988 et 1993.

Charles Pasqua raconte alors comment Nicolas Sarkozy, à l’époque Ministre délégué au Budget, était arrivé à son bureau place Beauvau et lui aurait dit, considérant l’élection de Balladur acquise : «Il sera élu Président, et vous serez son Premier Ministre. Dans une deuxième phase, je vous succéderai ! ». Pasqua ajoute que peu après cet échange, François Bayrou, alors Ministre de l’Éducation nationale, vint le voir, préoccupé, pour discuter avec lui du ministère qu’il pourrait avoir. Fou rire de Pasqua.

Hélas pour les balladuriens, Jacques Chirac a finalement été élu (contre Lionel Jospin). Pasqua analyse l'échec de Balladur par le fait d'avoir mis Mitterrand en colère en omettant de préciser à une conférence de presse la présence du chef de l'État lors d'une réunion cruciale le 14 août 1994 concernant le Kosovo. À partir de ce moment, Mitterrand fit tout pour aider Chirac pour 1995...


Berlusconi, l'enfant politique de Pasqua

Parmi les surprises de taille, Charles Pasqua explique qu'il fut à l'origine de la carrière politique de l'actuel Président du Conseil italien Silvio Berlusconi dont il contribua, en février 1994, à mettre en place son parti Forza Italia à l'aide de ses deux conseillers dépêchés en Italie, William Abitbol et Jean-Jacques Guillet.


Rancune pas jetée dans la rivière

Quelques jours après son élection, Chirac aurait appelé Pasqua pour lui demander pourquoi il n’était pas venu fêter sa victoire. Pasqua lui aurait répondu que ce n’était pas à lui d’appeler. Sur ce, il le rejoignit assez vite et Chirac lui aurait exprimé encore beaucoup de rancœur à l’égard d'Édouard Balladur qui l'a trahi…

Pasqua lui répondit : « Cela n'a aucune importance, plus aucune importance, tu as été élu Président de la République. Il te faut en priorité ressouder ce qui sera demain ta majorité, fût-ce au prix du pardon des offenses. Tu dois rallier à toi Balladur, ainsi que les parlementaires qui t'ont soutenu au second tour. » et lui suggéra de porter Balladur à la mairie de Paris (refus de Chirac qui l'avait "promise" à Jean Tibéri, les élections municipales avaient lieu quelques semaines après l'élection présidentielle, en juin 1995).

Et Alain Juppé, nommé Premier Ministre à la suite de l’élection de Jacques Chirac et l’un des Premiers Ministres les plus fidèles de la V
e République, reconnaît maintenant volontiers qu’en excluant de son gouvernement les principaux barons balladuriens (Nicolas Sarkozy, François Léotard, Bernard Bosson etc.), il s’était amputé d’une grande partie de la majorité, ce qui a conduit à des querelles post-balladuriennes dont la plus importante fut le conflit entre Nicolas Sarkozy et Jacques Chirac de 2002 à 2007.

L’élection de mai 2007 symbolisera en quelques sortes la "victoire volée" d’Édouard Balladur. Et une revanche quasi-posthume du balladurisme.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (25 novembre 2008)


Pour aller plus loin :

Charles Pasqua, ange et démon de la politique française (9 novembre 2007).

La suite des mémoires de Charles Pasqua.

"Ce que je sais. Un magnifique désastre, 1988-1995", Charles Pasqua (Seuil, 345 p.).




 

http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=47780

 

 

 

 

http://www.lepost.fr/article/2008/11/25/1336956_la-memoire-explosive-de-monsieur-pasqua.html

 

 

 

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commentaires

H
La victoire de 2007 a prouvé que Baladur n'était en rien adepte de l'orthodoxie financière, puisqu'avec son ministre du budget Sarkozy, il a fait bondir la dette publique de 30 % en deux ans, et qu'avec Sarkozy à la tête de l'État, l'histoire se répète, hélas.
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